Les sensitivity readers, censure ou progrès culturel ?
/
/
Les sensitivity readers, censure ou progrès culturel ?

Les sensitivity readers, censure ou progrès culturel ?

Si vous suivez un tant soit peu l’actualité livresque, vous n’avez pas pu échapper aux gros titres : Roald Dahl censuré ? ou encore C’est Roald Dahl qu’on édulcore. Tout comme la modification du titre d’Agatha Christie les Dix petit nègres en Ils étaient 10 avait ravivé le sujet en 2020, les nouvelles modifications opérées par l’éditeur de Roald Dahl relancent le débat des sensitivity readers. L’occasion pour nous de s’emparer du sujet et de vous donner un avis peut-être plus nuancé sur la question : progrès culturel ou censure ? 

Commençons par le commencement ! Sensitivity readers, qu’est-ce que cela signifie réellement ? Lecture en sensibilité, lecteurs sensibles, les sensitivity readers ont la mission de débusquer dans les ouvrages des phrases ou des situations qui pourraient heurter ou blesser des minorités. Concrètement, cette nouvelle profession consiste à traquer des contenus jugés offensants dans les manuscrits, ou dans les ouvrages dans le cadre de leurs rééditions. Ces démineurs littéraires s’attardent spécifiquement sur le vocabulaire et les tournures de phrases touchant la classe sociale, le handicap, les sexualités ou encore les genres. 

relecture correction livre

L’objectif est d’enlever le contenu qui pourrait donner lieu à des polémiques, poser problème à l’auteur et ainsi éviter la mauvaise publicité sur le livre. Finalement, les sensitivity readers ne sont ni plus ni moins que des relecteurs spécialisés.

La France s’en empare

À l’origine de cette nouvelle profession, les Anglo-Saxons ! Le phénomène s’est d’abord développé dans le secteur du livre jeunesse. Les jeunes adultes sont considérés comme un public plus sensible à ces thématiques, qu’ils retrouvent notamment sur les réseaux sociaux. C’est avec la volonté de toucher le plus grand nombre de lecteurs possible que les maisons d’édition se sont parées de ces relecteurs d’un nouveau genre. Aujourd’hui, cette profession tend à se développer chez les éditeurs français, parfois par la volonté de l’auteur lui-même.

Un progrès dans la littérature ?

Si aujourd’hui ce phénomène souffre d’une mauvaise réputation allant même jusqu’à le qualifier de censure, le concept partait pourtant d’une bonne intention. Les sensitivity readers peuvent en effet servir aux auteurs pour aborder des thématiques avec plus de justesse. Par exemple, un auteur qui traite d’un personnage non voyant pourrait faire appel à un lecteur lui-même non-voyant pour éviter dans son récit des maladresses ou des clichés sur cet handicap. De la même manière, un auteur qui construit un personnage atteint de troubles mentaux peut faire relire son ouvrage à une personne « plus sensible » à ce sujet, pour s’assurer qu’aucun terme n’offense des personnes touchées par la maladie. L’idée est donc tout à fait louable, malheureusement, c’est une fois de plus la porte ouverte à certains excès.

mot, lettre, ordre

Entre inclusion et censure

Faut-il supprimer les mots jugés injurieux dans les œuvres littéraires ? Des mots offensants pour certains, quand ils ne sont simplement que des caractéristiques, des éléments de description pour d’autres. La sensibilité des uns, n’est pas celles des autres, alors comment juger ? Et qu’en est-il de la caractérisation des personnages lorsqu’on remplace « gros » par « immense », ou si l’on supprime le terme « moche », particularité d’un protagoniste ? La liberté de l’auteur est-elle entachée ? Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. Selon moi, il est bon de prendre l’avis des lecteurs sensibles sur certaines thématiques, si l’auteur souhaite s’assurer de ne heurter personne. Néanmoins, l’auteur doit pouvoir s’il le souhaite donner sa description des choses avec le vocabulaire qu’il le souhaite. C’est cela qui fait bien souvent la plume d’un auteur. Si le contenu déplaît, bien d’autres livres sont disponibles, mais attention de ne pas tout confondre, il n’est en aucun cas question de laisser passer des écrits faisant l’apologie d’une discrimination quelle qu’elle soit.

Une autre préoccupation rentre en compte, si le vocabulaire constitue l’empreinte du récit et de l’auteur, à terme le risque est que les œuvres littéraires subissent un lissage très « mainstream ». Ce serait résultat d’une volonté de produire du divertissement et du « temps de cerveau disponible »

Quoi qu’il en soit, les sensitivity readers ne sont que des consultants, ils ne prennent aucune décision. Ce sont les éditeurs qui font le choix de transformer, modifier, enlever ou non le contenu des ouvrages.

Et vous, quel est votre avis sur la question ? Censure ou progrès culturel ? 

Victoria Marchand
Communication & Événementiel

Comments (2)

  • Pour ma part, je trouve inadmissible de changer les termes d’un auteur et ses intentions, d’édulcorer les textes et de les aseptiser. Les textes anciens ne peuvent être considérés avec nos yeux d’aujourd’hui qui ne veulent plus appeler « un chat, un chat ». Les phrases soit-disant choquantes sont souvent sorties de leurs contextes et de ce fait on leur fait dire ce que l’on souhaite qu’elles disent. Pour les « 10 petits nègres », cela suit l’histoire d’une comptine somme toute assez banale. Il faut aussi se replonger dans l’époque dans laquelle le texte a été écrit. Le fait de niveller tout par le bas devient insupportable. Il suffirait que l’Editeur mette une information dans sa page de garde indiquant le contexte et l’époque dans lequel le livre a été écrit. Par contre, je considère que les textes qui comportent des mots grossiers bien qu’existant dans la réalité, ne relèvent pas le niveau littéraire et sont une facilité de language.
    De même que l’écriture inclusive qui ne fait pas pour autant avancer la cause féminine, mais qui lorsque on lit un texte écrit de cette manière rend cette cause plutôt insupportable que positive… D’autant que ce n’est pas autorisé par l’Académie Française.

    SULLY Michèle
  • Je trouve qu’aujourd’hui, certaines personnes sont devenues de véritable chochottes ! « ne dites pas cela, ça me fait mal, ça me fend le cœur, cela m’offense » Il s’agit bien de « chochottisme » comme on le voit auprès de certains « croyants » qui se sentent offusqués par certains propos. Je ne donne pas parti aux insultes, je ne parle pas ce cette catégorie de propos, mais de ceux qui ne sont pas des insultes mais des propos qualifiants. Un idiot restera un idiot et quelque soit son niveau dans la hiérarchie intellectuelle, sociale, culturelle, politique. C’est souvent la base populiste qui impose par son nombre, la manière de s’exprimer qui en fait une mode. Un autre exemple qui m’a interpellé, souvent il est exprimé pour dire embrasser, le mot « galocher ». mais ne me demandez surtout pas de galocher quiconque, il recevrait une galoche dans sa figure sans comprendre pourquoi. Ce mot a été détourné de sa substance originelle : la galoche, chaussure, pour en faire un baiser langoureux ! J’en suis plier de rire, En arriver à embrasser une chaussure et en redemander. Il y a encore des peuples qui savent ce qu’est galocher : c’est envoyer une chaussure dans la figure de quelqu’un qu’il désapprouve. Dans quelques temps, on ne pourra plus dire « Les 10 petits blancs peigne le noir », alors cela sous entend ce que l’on veut, mais je fais parti des petits blancs et je ne m’en offusque pas ! Le texte écrit à telle époque représente l’époque, le changer ne représente plus l’époque, cela devient du révisionnisme, comme ceux qui veulent qu’Hitler ait été un brave homme et qu’il n’y a jamais eu de camps de concentration ni quoi que ce soit. Ceux qui s’aventurent dans la modification des textes d’auteurs qui représentent une époque passée, font du révisionnisme ! Conclusion, il s’agit de chochotisme, de révisionnisme et de populisme et rien de plus. Arranger aux gouts de, mais ou est l’authenticité du texte d’époque après cela ?

    Michel Boettcher

Comments are closed.

Start typing and press Enter to search

Shopping Cart